*prompt* Un artisan malgache construisant ou renforçant une structure en utilisant des techniques traditionnelles adaptées au climat.

Voici donc le chapitre 2 du volet sur l’utilisation de l’eau dans la construction à Madagascar (Part 1 https://purplecorner.com/2698-2/). Les saisons étant complètement chamboulées, il est devenu fréquemment difficile d’aborder ce sujet dans le processus de conception, les clients n’étant pas vraiment sensibilisés, que ce soit sur les dessins, en 3D ou encore dans les cahiers des charges. Donc, quand ils ne voient pas l’eau couler et ses dégâts, tu as du mal à convaincre de la nécessité de la perméabilisation des sols et, entre autres, de l’utilité des gouttières. Juste que ça fait trop moche.

Quand nous avons livré un projet de rénovation et réaménagement en 2021 surr Antananarivo, l’entité nous a rappelés dare-dare pour nous reprocher des défaillances dans le contrôle des travaux, car la dernière pluie a causé des fuites. J’ai été très rapide à investiguer la situation sur plusieurs fronts :

– Il y a eu quelques coupures dans le budget et malgré nos avertissements, le maître d’ouvrage avait bien voulu prendre la responsabilité de l’absence de certains éléments-clés causant la vulnérabilité de l’ouvrage. Bien sûr qu’évidawazy, l’équipe n’a pas réceptionné ces travaux ;

– La dernière pluie a été qualifiée de “décennale” par la météo. Les pluies décennales, définies comme des événements où la quantité de pluie tombée en une journée équivaut à celle observée sur une période de dix ans, sont des phénomènes météorologiques rares et intenses. Ces événements sont de plus en plus étudiés dans le cadre du changement climatique, qui entraîne une intensification des précipitations extrêmes (Kunkel et al., 2013). Selon des recherches telles que celles de Milly et al. (2002), ces pluies peuvent dépasser les capacités des infrastructures de drainage, mettant en lumière la nécessité d’adapter les systèmes urbains à ces phénomènes. De plus, les travaux de Gervais et al. (2011) montrent l’impact direct de ces pluies sur les systèmes de drainage, tandis que l’étude de Cai et al. (2016) souligne l’importance de stratégies d’adaptation face à ces événements climatiques extrêmes dans le contexte de l’environnement bâti.

Et puis il y a ces ONG et associations tellement diligentes qui planifient la collecte et le stockage de l’eau dans leur budget. Et sincèrement, honnêtement, j’ai pu voir de visu la réussite de l’initiative dans deux cas, alors que vous savez à quel point je suis impliquée sur ce type de projets. Déjà, expliquer aux clients de nettoyer les gouttières et les toitures très régulièrement, au lieu de couper les arbres dont la chute des feuilles est dérangeante, c’est super laborieux. Voyez-moi intervenir sur ce site où, trois ans après la réception définitive, les descentes d’eaux pluviales et les regards ne mènent nulle part. Surtout pas vers ces énormes citernes qui traînent pour rien.

Larmier, lambrequin, chantepleur… que de jolis mots très techniques, mais qui s’oublient surtout quand on veut se la jouer “boîte à quincaillerie”. Il est vrai qu’en termes de précipitations, on n’a pas trop à se plaindre à Dubaï. Combien même tu essaies de justifier ton paycheck avec des termes très qualité architecturale, on ne cherche pas à comprendre les spécificités du pays où l’on vit et les implications que ces spécificités, exacerbées par le changement climatique, imposent. Alors ne vous reposez pas trop sur le grand souci énorme et quotidien de la recherche de l’eau quand vos toitures et vos terrains ne vont pas soutenir les pluies décennales, cyclones et crues. Surtout quand vont apparaître les sempiternelles conflits de voisinage : “L’eau part chez les autres ! Mais vazy que je n’ai pas planifié de puisard, à quoi ça sert déjà ? J’ai construit sur 100% de la surface ! Mais Madame Joan, vous tentez de nous arnaquer quand vous dites que mon terrain serait probablement inconstructible. Les voisins, eux, ont dit ‘y a pas de souci’…” Vazy…

Là je fais intervenir l’IA pour m’apporter des données et surtout sonder les documents. À Madagascar, les variations climatiques entre Tamatave, Antsirabe et Ambovombe sont tout aussi impressionnantes que les distances qui les séparent. Tamatave, avec ses 3 000 mm de pluie annuels étalés sur 280 jours, contraste violemment avec Ambovombe, qui n’en reçoit que 500 mm en moyenne, sur 50 jours. Antsirabe, située sur les hauts plateaux, se positionne quelque part entre les deux, avec 1 200 mm de pluie par an et 150 jours de précipitations.

Mais même Ambovombe, région aride, n’est pas à l’abri des excès. En janvier 2019, cette région a été frappée par des inondations exceptionnelles. En une semaine, plus de 200 mm de pluie sont tombés – presque la moitié de la pluviométrie annuelle normale. Résultat : des crues soudaines, des centaines de maisons inondées, des routes coupées, des ponts détruits, des communautés isolées, et plus de 10 000 personnes affectées. Les infrastructures, bien sûr, n’étaient pas dimensionnées pour gérer de tels volumes d’eau. Cet événement tragique illustre une réalité implacable : à Madagascar, excès et pénuries se succèdent, tous deux exacerbés par le changement climatique. Face à cela, adapter les infrastructures et les pratiques locales devient une question de survie.

Actuellement, la Norme Nationale de Construction de Bâtiments Résistants aux Aléas Naturels à Madagascar s’appuie en grande partie sur les Eurocodes, références internationales robustes comme l’Eurocode 1-4 pour le dimensionnement au vent ou l’Eurocode 8 pour les actions sismiques. Ces standards, bien que solides, ont été adaptés pour tenir compte des spécificités locales – notamment en matière climatique, de matériaux disponibles et de techniques de construction courantes. Ainsi, des directives précisent par exemple l’implantation des bâtiments en fonction des risques d’inondation ou de mouvement de terrain.

Cependant, dans un pays où les réalités économiques sont ce qu’elles sont, notamment dans les zones rurales, il est urgent d’aller plus loin. Un code simplifié, tropicalisé, inspiré des meilleures pratiques internationales, pourrait répondre à ces besoins. Ce type de code pourrait inclure :

* Des recommandations adaptées : comme l’usage de matériaux locaux (briques de terre compressée, bois) ou des solutions économiques (toitures inclinées, fondations surélevées) pour gérer les inondations et vents forts.

* Des méthodologies simplifiées : faciliter les calculs techniques pour les artisans et entrepreneurs locaux.

* Un cadre réaliste : adapté aux contraintes locales, tout en assurant une sécurité optimale.

Des pays comme l’Inde, les Philippines ou le Kenya ont démontré l’efficacité de telles approches. En Inde, par exemple, les Indian Standard Codes encouragent l’utilisation de briques d’argile et autres matériaux locaux, tandis qu’aux Philippines, des constructions en bambou renforcé et des toitures adaptées résistent aux typhons. Ces solutions résilientes, accessibles, offrent des alternatives viables aux artisans et communautés, tout en garantissant la durabilité des bâtiments.

À Madagascar, un code simplifié pourrait s’appuyer sur les réseaux existants, comme la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), pour sensibiliser, former et diffuser les bonnes pratiques. Ce serait une chance d’unir résilience, durabilité et accessibilité, et de mieux protéger les communautés face aux aléas climatiques de plus en plus imprévisibles.

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