avec Nosy-Be, c’est que nous, les continentaux, qui la “co-gérons” depuis l’Indépendance, ne sommes pas vraiment conscients de ses véritables potentialités.

Bien sûr, on y voit la plage et le soleil toute l’année, les forêts luxuriantes et les plantes, aussi belles que productives. Mais ce qu’on ne perçoit pas facilement depuis le rivage, c’est l’harmonie délicate qui régit son territoire. Je ne suis pas experte en musique (malgré six ans de piano), mais je suis certaine que, comme moi, vous ressentez cette pulsation qui vous pousse à danser dès que vous posez le pied sur le sol de Nosy-Be.

Nosy-Be danse et chante sa propre mélodie depuis des centaines d’années, seule, mais déjà avec le Monde. Très tôt, alors que les Hautes Terres s’enfonçaient dans le chaos, Nosy-Be avait déjà ouvert ses portes et ne les a jamais refermées.

Le problème est là, dans cette déconnexion familière. Pourquoi vouloir que Nosy-Be soit uniquement malgache, alors que, comme toute région de Madagascar – et peut-être mieux que les autres – dans son individualité elle sait tirer parti de ses différences ? Elle nourrit son peuple de son sol si riche et, quand on n’a plus voulu sucrer la terre, elle s’est laissée bâtir pour prospérer.

J’ai de doux souvenirs de mes vacances, passées rituellement dans ses îles et ses baies. J’y ai travaillé, j’ai vu avec désolation ses usines se décrêpir, et je suis aujourd’hui témoin de son renouveau après la pandémie. Mais nous, les continentaux, restons sourds à cette renaissance. C’est comme si nous attendions encore de la voir brûler ses champs de canne au coucher du soleil, un peu comme nous aimons détruire nos forêts avec nos feux de tavy. Mbola tsara ! tsara tsara ! Toujours à sourire, Nosy-Be avance.

“15 000 tonnes de ciment par an, on consomme ici !” clame mon collègue engagé dans le développement de l’île. “Le plein emploi est à portée de main”, ajoute une dame qui travaille dans une entité économique. Pourtant, on peut se demander pourquoi nous nous acharnons à vouloir freiner Nosy-Be dans sa course à dépasser les 90 000 touristes par an de 2019. Est-ce que nous faisons vraiment mieux depuis Tana ? Je vous vois bien, vous les maîtres des remblais, avec vos pratiques destructrices, décapant les collines et étouffant les mangroves, déconnectés de la réalité de cette île.

Nosy-Be suit un chemin parallèle à celui des îles Vanille, que je connais bien. Mais j’ai rassuré mon chauffeur en route pour l’aéroport : il est temps d’investir dans une nouvelle voiture et de recruter du personnel, car Nosy-Be, si on la laisse entre les mains de ceux qui l’aiment vraiment et la comprennent, surpassera toutes les autres îles de l’Océan Indien. La confier à ses propres habitants qui savent comment gérer et protéger cette terre, car ils dansent depuis toujours sur son rythme, et ils la laisseront se déveloper en suivant sa mélodie si unique.

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