
Ces matinées culturelles, où une salle comble écoute attentivement une oratrice venue partager ses recherches sur un thème peu connu du public, me manquaient tellement. Cette fois-ci, j’ai réussi à traîner ma cousine et mon mari pour cette séance que je ne voulais absolument pas rater, tant le sujet m’intéressait. Depuis presque deux ans, j’ai décidé d’approfondir ces pans de l’histoire de Madagascar qui ne sont ni enseignés dans les écoles ni abordés dans les conversations en société mais surtout qui ont été complètement oubliées dans les cours d’Architecture et d’Histoire de l’Art car nous étions trop préoccupés à étudier les palais et les boulevards.
L’intervention de KLARA BOYER-ROSSOL portait sur les Makoa (1) de sa thèse “Une ancestralité entre deux rives”, Ouest de Madagascar, XIXe – XXe siècles (2), dont les ancêtres captifs du Mozambique ont enduré la traite des esclaves durant plusieurs siècles, même après les abolitions par le Royaume Merina sous Radama 1er et dans les colonies anglaises et françaises. “Laissez les descendants apprendre leur histoire, libérez la parole,” a-t-elle recommandé avec éloquence et honnêteté. Nous avons eu le privilège d’apprendre tellement sur ses rencontres et ses découvertes, qui l’ont ramenée dans le temps et à travers des vies. Des témoignages touchants, et surtout la concrétisation en 2009 de la première Journée de reconnaissance du Peuple Makoa par l’État Malgache (3), où les descendants venus de partout à Madagascar pouvaient enfin se retrouver et célébrer leur identité et culture communes et si précieuses.
En tant qu’architecte, j’ai été interpellée par la toponymie, la mise en espace du mythe du père fondateur (ou plutôt de la mère selon la tradition matrilinéaire Makoa) sous la forme du village, et bien sûr par la question foncière, dont les enjeux complexes se révèlent dans la société contemporaine. Les configurations des villages Makoa reflètent souvent des histoires et des symboliques ancestrales, et l’étude de ces agencements peut offrir des pistes pour des approches plus sensibles et contextuelles dans l’urbanisme moderne. Comme l’excellente présentation de ce matin de Klara Boyer-Rossol a révélé quelques pistes dont les Tanamakoa et Morima à Madagascar où l’oralité règne comme garante de la transmission de l’identité et de la culture de ces communautés déracinées qui, pourtant, sont devenues légitimement, à travers des générations et des souffrances, plus tompon-tany que quiconque.
(1) Makoa : https://fr.wikipedia.org/wiki/Makoa
(2) “Une ancestralité entre deux rives”, Ouest de Madagascar, XIXe – XXe siècles. https://www.cairn.info/les-traites-et-les-esclavages–9782811104221-page-189.htm
(3) Madagascar: Le peuple Makoa renoue avec ses traditions https://fr.allafrica.com/stories/200901290366.html