Avant-hier soir, j’ai eu l’opportunité d’assister à une Masterclass magistrale sur les investissements dans les grands projets immobiliers. La première partie, animée par un expert de renom, nous a révélé des récits fascinants sur l’histoire de la finance à Madagascar, avec des études de cas depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui. La seconde partie, encore plus stupéfiante, présentée par un expert très pointu, nous a plongé dans un état des lieux détaillé de la maîtrise d’ouvrage et des dynamiques de gestion immobilière.
Je ne peux malheureusement pas partager toutes les informations obtenues en raison de la confidentialité. J’ai pu tout de même intervenir en pointant qu’il existe des solutions beaucoup plus vertueuses et inclusives pour gérer le foncier, favoriser l’accès au logement par exemple (cette thématique sera détaillée plus bas) et générer de l’emploi. Dans un pays où plus de 50 % de la population est composée de jeunes, de telles réformes pourraient bouleverser l’économie foncière, renforcer la cohésion sociale et apporter une croissance durable et équitable.
En continuant mes recherches sur le secteur immobilier, je me suis intéressée aux archives de la SEIMAD. Cette société d’équipements, bien que largement sous-exploitée aujourd’hui, a joué un rôle central dans la transformation du paysage urbain post-indépendance. Bien que les archives aient été réduites à cause d’un incendie dans les années 90, j’ai tout de même découvert beaucoup d’informations sur la SEIMAD, un acteur clé des grands projets de construction. Elle a contribué à la réalisation de bâtiments emblématiques comme l’édifice brutaliste de la Banque Centrale à Antaninarenina, ainsi qu’à la création de nombreuses cités d’habitation à travers l’île.
En explorant l’idée des bailleurs sociaux à Madagascar, il devient évident que ces structures pourraient transformer le paysage immobilier du pays. Ce sont des entités, généralement publiques mais parfois privées ou à but non lucratif, qui construisent, gèrent et entretiennent des logements accessibles aux populations à faibles revenus. Un système de bailleurs sociaux bien structuré pourrait garantir un accès plus équitable au foncier et à des logements décents pour les jeunes Malgaches, tout en stimulant l’économie, en réduisant les inégalités sociales et en formalisant le secteur immobilier.
Mais là encore, je n’avais pas accès à toutes les informations. Juste quelques indices à googler pendant des heures, pour retrouver des traces d’un système de bailleurs sociaux assez sophistiqué dans les années 70, autre que la SEIMAD, qui ferait halluciner le Malgache de 2024. J’ai déniché ces informations dans des brouillons de textes sur le logement, entre autres. Si en 2019 on avançait le chiffre de 2 000 000 logements à pourvoir, il est facile d’extrapoler ce chiffre à plus de 5 ans après.
L’absence du terme bailleur social dans la Loi n° 2021-034 relative à la promotion du logement à Madagascar soulève une question importante sur l’organisation du secteur du logement social dans le pays. Alors que ce concept est couramment utilisé dans de nombreux pays pour désigner des entités spécialisées dans la construction, la gestion et l’entretien de logements destinés aux populations à faibles revenus, son omission dans la législation pourrait indiquer un manque de structuration formelle de ce rôle à Madagascar. Cela limite la possibilité de développer un cadre clair et efficace pour des acteurs dédiés à la production de logements accessibles, souvent indispensables pour répondre aux défis croissants en matière de logement.
Le programme “Renta Dignidad” en Bolivie, bien qu’axé sur les pensions de retraite, repose sur des fonds souverains issus de l’exploitation de ressources naturelles (comme le gaz). Cela ressemble au mécanisme malgache où des contributions du secteur minier sont utilisées pour financer le Fonds National du Logement, soutenant ainsi la construction de logements sociaux.
Un exemple utile à Madagascar peut être trouvé au Brésil, avec le programme “Minha Casa, Minha Vida” (Ma Maison, Ma Vie), lancé en 2009. Ce programme vise à fournir des logements abordables aux familles à faibles revenus à travers tout le pays. Le gouvernement fédéral brésilien subventionne une partie des coûts de construction pour les promoteurs privés et offre des prêts à taux réduits pour les acquéreurs de logements.
Mais pour en revenir à Madagascar, la Loi n° 2021-034 établit un cadre juridique essentiel pour favoriser la construction de logements sociaux, définis à l’article 2 comme des logements accessibles aux ménages à faibles revenus grâce à des aides publiques. Pour soutenir ces initiatives, la loi prévoit la création du Fonds National du Logement à l’article 15, qui finance les opérations immobilières à travers des emprunts, des contributions du secteur privé, des appuis des partenaires au développement, ainsi qu’une contribution de 0,02 % à 0,05 % des investissements du secteur minier. Ce mécanisme de financement, associé à des mesures incitatives fiscales et douanières (article 17), vise à faciliter l’accès à des logements décents pour les plus démunis et à promouvoir un développement immobilier durable et équitable.
Aujourd’hui, je suis quasi certaine d’être la seule architecte à Madagascar à avoir eu un tel aperçu des dessous des dernières grandes manœuvres immobilières et foncières du pays. Et, honnêtement, ça me désole. Comme vous l’imaginez, nous sommes tous victimes de ces fameuses pratiques de rétention d’informations et de leur distribution sélective, « fomba tsy hita mihitsiny izay maha ratsy azy ». Une opacité qui semble inébranlable, héritée d’une bureaucratie rigide, comparable aux systèmes les plus centralisés et inefficaces. Même les Japonais, reconnus pour leur rigueur administrative, pourraient envier notre zèle, mais certainement pas nos performances.
Bref, tsy hita re e.
Photo : un endroit merveilleux à découvrir par son exemplarité et durabilité : l’écovillage de Tsaratanana