
Toutes ces heures de marche, ces longues lectures partagées, et ces dizaines – non, ces centaines – d’heures d’échanges avec les historiens, amis du patrimoine, artistes, écrivains, et surtout les amoureux des vieilles pierres, des plantes rares, des langages perdues,… vont enfin porter leurs fruits.
Enfin.
En classe de 3e, mon prof m’a dit une phrase qui m’est restée en tête :
« Plutôt que de te lancer tout de suite dans l’archéologie, deviens d’abord architecte. Quand tu auras les moyens, tu pourras reprendre l’archéologie. »
Cette idée s’est incrustée dans mon esprit. Cette année-là, j’avais obtenu des notes exceptionnelles au Brevet des collèges (des notes que je n’ai jamais retrouvées au Bac). Cela m’avait confortée dans ma passion pour l’Histoire – ou plutôt, pour les histoires dans l’Histoire.
Je crois que c’est également cette année-là que j’ai reçu une immense encyclopédie Larousse sur les Grandes Histoires de l’Humanité. Encore aujourd’hui, je suis convaincue que les livres sont les meilleurs cadeaux qu’on puisse offrir aux enfants. Bien sûr, de temps en temps, le Père Noël glisse un Lego ou une poupée LOL Surprise dans sa hotte, mais les livres, eux, marquent une vie entière.
Il m’a fallu 18 ans pour m’engager officiellement sur le chemin de la préservation du patrimoine et de la valorisation des arts et de la culture, en cohérence avec la société, l’écologie et les réalités économiques dans l’environnement bâti et aménagé de ma région. Pendant tout ce temps, j’ai flirté avec cet univers sans vraiment y plonger complètement. Ce n’était pas de l’hésitation, mais plutôt une question de contexte : trop de contrats à honorer, pas assez de moyens, trop d’obligations…
En 2025, mes contraintes n’ont pas disparu, mais mes perspectives sont plus claires. J’ai vu le pire et maintenant, j’anticipe.
En cohérence avec mon nouveau statut et dans la continuité de mon engagement dans des projets caritatifs et humanitaires, TRANO Architecture devient mon instrument pédagogique et, surtout, technique. C’est une extension naturelle de ma passion pour l’Histoire, une structure à travers laquelle je vais pouvoir alimenter et équiper cette passion. Avec TRANO, qui a gravi son leadeship dans la maîtrise d’oeuvre en 12 ans, nous nous maintenant investirons dans la recherche, l’édition, la promotion et, bien sûr, la construction. Car même si je me consacre de plus en plus au passé, je n’oublie pas que je reste avant tout une bâtisseuse de l’avenir.
Et pourtant, qu’on construise un immeuble, un pont ou un quartier entier, il est indispensable de mieux connaître son passé pour mieux façonner l’avenir. Chaque lieu porte en lui des strates d’histoires, visibles ou invisibles, qu’il serait irresponsable d’ignorer. Savoir d’où viennent les matériaux, comprendre l’héritage architectural d’une région, respecter le tissu culturel local : tout cela permet de construire de manière plus juste, plus durable, et en harmonie avec ce qui a précédé. Ne pas tenir compte du passé, c’est risquer de faire table rase, d’arracher ce qui ancre une communauté à son territoire. Connaître, c’est préserver, et préserver, c’est respecter – autant les générations passées que celles à venir.
Dans ce cheminement, mon expérience en tant qu’enseignante en architecture bois pendant 5 ans m’a également transformée. Les impasses constatées dans les chapitres dédiés aux « traditions locales, Zafimaniry et bâtiments bioclimatiques à Madagascar » m’ont poussée à transmettre encore davantage et à co-réfléchir avec la prochaine génération. Que ce soit pour réinventer l’habitat ou pour développer de nouvelles technologies, cette collaboration intergénérationnelle me semble essentielle. Enseigner ne se résume pas à donner des connaissances : c’est un échange qui nourrit les deux parties et permet d’élargir le champ des possibles.
Sur cette même dynamique, nous allons étendre nos engagements au bois et aux végétaux (Fantsiliotse anyone?). Il est urgent de mieux comprendre ce qui n’a plus été pris en compte, mais aussi de revaloriser ce qui a été délaissé. Que dire, par exemple, de la construction en bois, souvent remise en question après les incendies de Los Angeles ou les feux de forêts à Madagascar ?
Notre travail sur la terre crue a permis de voir sortir de terre des milliers de mètres carrés, réalisés aux côtés des maîtres d’ouvrage les plus prestigieux, entre Moramanga et Mamory Ivato. C’est un véritable hommage au matériau local et écologique, profondément ancré dans le savoir-faire traditionnel. Et nous y sommes arrivés : de plus en plus de bâtiments sont maintenant construits en BTC (Blocs de Terre Comprimée) à Madagascar. Peut-être même qu’un jour, la norme finira par voir le jour. Sait-on jamais.
Rien de tout cela n’aurait été possible sans les dizaines de familles et entités qui nous ont accordés leur confiance. Je tiens à remercier celles et ceux qui n’ont pas hésité à nous appeler pour les aider dans la préservation de leur trano gasy, la valorisation de domaines hérités, la construction d’EPP dans les zones délaissées ou encore – et c’est là que mon cœur gonfle de fierté – pour les accompagner à réinterpréter l’ancien pour parler à l’avenir. Ces projets, portés par l’amour du patrimoine et l’audace de l’innovation, sont la preuve vivante que l’architecture peut être un pont entre mémoire et modernité.
illustration : Travaux en vu de la Préparation pour de mon Projet de Recherche pour le Doctorat en Aménagement débutés en 2020 toujours en réflexion (au secours !).
Axe envisagé : “Histoire de l’Architecture et matériaux locaux : bâtir des logements et équipements sociaux résilients dans l’Océan Indien.”