
[Full disclosure] : J’ai suivi les ateliers pour la certification LEED PA en 2012 avec le Green Building Council Canada https://www.cagbc.org/fr/, mais je n’ai toujours pas passé les examens. Comme tant d’autres projets, ça attend… Actuellement, ma priorité c’est gagner ma vie en ariary, dans un pays où il faut des euros pour vivre convenablement. À moins d’opter pour une vie d’ascète – mais bon, on n’en est pas encore là. Ou bien quitter le pays pour aligner revenus et niveau de vie dans la même devise. ndryyyy.
Quand on parle de frugalité et de rigorisme en architecture, ces mots prennent un sens particulier à Madagascar. On tente de travailler avec des normes rigides souvent importées, mais ici, même si des normes existent, qui les applique vraiment ? Nos maîtres d’ouvrage ont toujours le même refrain : ‘Ton architecture, c’est bien beau Joan, mais fais-le nous en moins cher!’ Ce qu’ils ne voient pas, c’est les économies à long terme. Pourtant, il faut être clair, choisir la voie vertueuse d’une conception durable coûte cher en engagement. Comment entamer cette conversation dans un pays comme Madagascar, tout en bas du tableau économique mondial ?
Dans ce contexte, que signifie réellement un projet durable, bioclimatique, résilient, vert ? L’architecture durable vise à répondre aux besoins actuels sans compromettre ceux des générations futures, tout en minimisant l’impact environnemental et optimisant l’efficacité énergétique. L’approche bioclimatique utilise les ressources naturelles – soleil et vent – pour améliorer le confort thermique tout en réduisant la consommation d’énergie. Un projet résilient doit non seulement s’adapter aux changements climatiques, mais aussi assurer une longue durée de vie face aux crises. Enfin, un bâtiment vert privilégie des matériaux écologiques et des solutions innovantes pour minimiser son empreinte écologique.
Le seul bâtiment construit certifié LEED PLATINUM à Madagascar a été conçu par un architecte étranger, sur une concession étrangère, pour une entité étrangère. Cela en dit long. Combien de professionnels locaux peuvent réellement appliquer ces niveaux de performance ? L’absence d’une école d’architecture à Madagascar oblige les jeunes à se former à l’étranger, une solution clairement non rentable à long terme. Pourtant, nous avons besoin de compétences locales capables d’expliquer et de réaliser des projets durables. Il faut former une main-d’œuvre qualifiée, ici, sur place, en architecture et pour les professionnels du secteur.
Dans un contexte africain, où les défis climatiques, économiques et culturels sont spécifiques, une certification locale adaptée est cruciale. Des systèmes internationaux comme EDGE (Excellence in Design for Greater Efficiencies https://edgebuildings.com/) sont accessibles pour les économies émergentes, avec un focus sur l’efficacité énergétique et les économies d’eau. En revanche, LEED et BREEAM https://bregroup.com/, bien qu’efficaces mondialement, sont souvent coûteux et complexes à appliquer localement. Quant à HQE (Haute Qualité Environnementale par l’AFNOR https://certification.afnor.org/en), elle présente des exigences techniques difficiles à réaliser ici sans main-d’œuvre qualifiée ou matériaux adaptés.
Ailleurs, des certifications locales ont vu le jour, adaptées aux réalités locales. Le Brésil, par exemple, a développé l’AQUA-HQE, une adaptation de la HQE française. Singapour a créé la certification Green Mark, adaptée aux conditions tropicales, et le Japon utilise le système CASBEE. En Corée du Sud, on trouve le standard G-SEED. Ces exemples montrent que chaque région adapte ses certifications à ses spécificités climatiques et économiques.
Les certifications internationales ajoutent entre 5 % et 10 % au budget total d’un projet. Pour un bâtiment de 1000 m² SHOB, avec des coûts de construction autour de 600 USD par m², l’obtention d’une certification représente une dépense non négligeable. Mais à long terme, ces certifications offrent des retours sur investissement par des économies d’énergie et une valorisation accrue des bâtiments, même si cela prend des années à se concrétiser.
Un bâtiment peut être “vert” sans certification officielle comme LEED, BREEAM ou HQE. Ce qui compte, c’est l’intégration de pratiques durables : matériaux respectueux de l’environnement, efficacité énergétique, gestion responsable des ressources. Toutefois, une certification apporte une reconnaissance formelle, prouvant que le bâtiment respecte des normes internationales, ce qui peut augmenter sa valeur sur le marché et offrir des avantages économiques à long terme.
Un premier pas vers une construction plus verte serait de normaliser la brique de terre compressée (BTC). Ce matériau local et durable réduit l’empreinte carbone en nécessitant moins d’énergie que le ciment ou la brique cuite. Passer cette norme encouragerait l’utilisation des ressources locales, réduirait la dépendance aux importations et dynamiserait les filières écologiques. Cela valoriserait les savoir-faire locaux et faciliterait l’adoption à grande échelle de solutions plus vertes.
photo : slide issu de la présentation du Green Building Council South Africa lors du Séminaire Energies organisé par la COI à la Réunion en 2019. d’ailleurs on n’en a pas eu depuis 5 ans d’évènements de cette ampleur….sigh