“Nous avons peut-être des gènes en commun mais nous ne partageons certainement pas la même culture.” m’a dit Teresa Vega l’autre soir lors de notre Zoom mensuel.

et c’était avec un énorme sourire, et un Tweet, qu’elle m’avait accueillie dans son monde merveilleux. Celui où cette passionnée de généalogie a su partager ses découvertes sur ses racines américaines, européennes, africaines et, dans ce cas-ci, malgache. On a pris notre temps pour se connaître et les efforts qu’elle a entrepris pour collecter documentations et surtout un réseau très fort d’experts et de passionnés sur le sujet m’ont inspirées à transmettre le peu que j’aie pu récolté.

La présentation s’intitule “FTDNA’s Malagasy Roots Project Beginnings” pour retracer de façon chronologique et  vous inviter à rejoindre la belle aventure humanine que mène Teresa Vega et ses amis. Une courte introduction est nécessaire pour vous mettre en contexte :

“Teresa A. Vega est généalogiste, historienne de la famille et blogueuse (www.radiantrootsboricuabranches.com). Teresa a pu retracer plusieurs lignées familiales jusqu’aux colonies coloniales de New York, du New Jersey, du Connecticut, du Massachusetts et de la Virginie. Ses spécialités de recherche comprennent à la fois la généalogie afro-américaine et portoricaine en général, les Noirs libres dans le nord-est, l’héritage culturel afro-néerlandais à NY/NJ et la traite des esclaves NY-Madagascar. Elle est membre des chapitres NJ et NY de l’Afro-American Historical and Genealogical Society (AAGHS), siège au conseil d’administration de la Rye (NY) Historical Society et est affiliée au projet d’histoire publique de l’Université Rutgers. En outre. elle est également co-administratrice du projet Malagasy Roots de FamilyTree DNA. Elle est titulaire d’un baccalauréat en anthropologie et en études asiatiques du Bowdoin College.” source : https://witnessstonesproject.org/teresa-vega/

J’ai justement découvert le profil de Teresa par son Blog “Radiant Roots, Boricua Branches Musings on My Tri-racial Black and Puerto Rican Ancestry.” lorsque je me suis aventurée à explorer la vie de Andy Razaf dans les années 30 aux États-Unis. Je me suis accidentellement retrouvée plongée dans une autre histoire dans l’Histoire et que très peu connaissait dans mon entourage. C’est donc ainsi en lisant ses articles que j’ai appris l’existence de ces descendants des Malgaches mis en esclavage et exilés en Virginie entre les 16è et 17è siècle. Si cette présentation aborde longuement leur histoire, Teresa a été très ferme en m’expliquant qu’il ne s’agissait pas d’y reconnaître quelconque lien d’identité ou de filiation proche, nous sommes de très très très distants cousins sur plus d’une vingtaine de génération. Mais son attachement et sa rigueur à remonter son arbre généalogique m’a beaucoup fait rappeler notre fascination très maniaque pour revenir à nos loaharano. 

Teresa a assisté à une conférence sur la généalogie en 2014 avec CeCe Moore qui a été considéré comme un innovateur et un pionnier dans l’utilisation de l’ADN autosomique pour résoudre les mystères inconnus de la filiation et de la famille, fréquemment consulté par les sociétés de test ADN, les généalogistes, les adoptés, les forces de l’ordre et la presse.

Elle parlait de certaines des découvertes généalogiques qui ont été supprimées de Finding Your Roots de PBS. L’épisode 4 de la saison 2 mettait en vedette Benjamin Jealous, Ben Affleck et Khandi Alexander. Finding Your Roots with Henry Louis Gates, Jr. est une série télévisée documentaire animée par Henry Louis Gates Jr. qui a été créée le 25 mars 2012 sur PBS. Dans chaque épisode, les célébrités reçoivent un “livre de vie” qui est compilé avec des informations recherchées par des généalogistes professionnels qui leur permettent de visualiser leurs histoires ancestrales, d’en apprendre davantage sur les liens familiaux et de découvrir des secrets sur leur lignée. https://en.wikipedia.org/wiki/Finding_Your_Roots

Peu après un groupe a été créé pour connecter les Afro-Américains avec leurs lointains cousins malgaches et  pour découvrir les lignées familiales associées à l’ascendance malgache. 

Les administrateurs principaux du groupe FTDNA MRP sont CeCe Moore, Teresa Vega, Claudio Bravi, un généalogiste argentin et Wendy Wilson-Fall. Cette dernière est professeure associée en études africaines au Lafayette College où elle a récemment assumé la direction du programme d’études africaines. Wilson-Fall travaille sur les thèmes de l’identité, de la culture, des histoires locales et de l’espace social. La recherche et la publication incluent à la fois la diaspora africaine et des projets basés sur le continent. Descendante de migrants malgaches, elle a publié l’ouvrage Memories of Madagascar and Slavery in the Black Atlantic qui  tente d’analyser la documentation historique relative au mouvement des esclaves malgaches vers la Virginie et les souvenirs transmis parmi les descendants de ces captifs en 2017.

Madagascar, comme on pourrait le supposer de par sa situation géographique, a principalement fourni des esclaves au monde de l’océan Indien. Cependant, entre 1670 et 1698, un nombre inconnu d’esclaves malgaches ont été envoyés à New York, et entre 1716 et 1721, environ 1 500 captifs malgaches ont été expédiés en Virginie et vendus là-bas. Cette dernière cohorte forme la base de l’analyse de ce livre concernant les souvenirs de la présence des esclaves malgaches dans la société virginienne.  source : https://direct.mit.edu/jinh/article-abstract/47/3/433/49272/Memories-of-Madagascar-and-Slavery-in-the-Black?redirectedFrom=fulltext

Cette section-ci de la présentation est un peu complexe pour ce qui ne sont pas habitués à la recherche en généalogie grâce aux progrès de l’ADN mais en gros essentiellement la carte explique le peuplement de Madagascar par immigration de plusieurs populations austronésiennes, bantoues et du Moyen-Orient par les Swahili. Je tiens à souligner que tout ceci provient de recherche très récente des 10 dernières années mais a  été supporté depuis au moins 70 ans par les chercheurs tant malgaches que coopérants ou sous la colonisation notamment les linguistes  et   les archéologues. Les autres cartes sont plus spécifiques sur les vagues de peuplement intérieures et je me laisse rêver qu’une carte similaire devrait décorer les murs des classes d’Histoire au collège à Madagascar.

Comment lire ces diagrammes qui décrivent le génome de la diversité humaine à travers Madagascar ? http://www.pnas.org/content/early/2017/07/11/1704906114. Ça prend plusieurs lectures et un peu  de temps mais en gros voici la traduction du caption “Lignées uniparentales. (A) Répartition des lignées d’ADNmt selon l’origine continentale. Les lignées asiatiques sont en bleu, les lignées africaines sont en rouge et M23 (origine inconnue) est en violet. (B) Répartition des lignées du chromosome Y selon l’origine continentale. Les lignées asiatiques sont en bleu, les lignées africaines sont en rouge et les lignées eurasiennes sont en vert.” Dans l’ensemble, les lignées du chromosome Y d’origine africaine sont beaucoup plus fréquentes à Madagascar que les lignées d’origine est-asiatique (70,7 contre 20,7%), contrairement aux lignées d’ADNmt (42,4 d’origine africaine contre 50,1% d’origine est-asiatique) (Fig. 2B et figure S1). Nos résultats indiquent que dans tout le pays, tous les Malgaches partagent une ascendance austronésienne et bantoue récente (Fig. 6). Nous avons identifié une scission récente de la population proto-malgache des Bantous d’Afrique australe vers 1 500 ans BP et une scission plus ancienne du sud de Bornéo entre 3 000 et 2 000 ans BP. Ce résultat suggère que les populations indonésiennes seraient arrivées à Madagascar avant les populations africaines. Cependant, ces dates reflètent l’âge des plus anciens ancêtres communs possibles entre les Malgaches et les populations africaines/indonésiennes échantillonnées, ce qui signifie que le départ vers Madagascar n’est pas postérieur mais pourrait être antérieur à ces dates. Notre vaste échantillonnage à travers Madagascar indique un lien avec la région du sud de Bornéo (confirmant un lien avec les populations apparentées aux Ma’anyan) et ne prend pas en charge les connexions génétiques spécifiques avec les Sulawesi ou les Malais (29, 30). Cependant, il est possible que des populations plus étroitement apparentées existent dans des régions pour lesquelles nous manquons de données (par exemple, Java ou Mozambique), et il est également possible que les emplacements actuels des populations sources putatives ne soient pas là où ils étaient dans le passé. .

Bien que ces résultats soient très parlants, il est toutefois supra important de noter qu’il faudrait pour chaque cas spécifique une interprétation différente avec un mix différents des gènes et surtout qu’il faille un plus grand pool d’échantillonnages pour réellement pouvoir bien profiler le génome malgache malgré déjà cette tentative extraordinaire.

Teresa n’a pas trop étayé sur l’Atlantic Slave Trade, sans doute le sujet d’un autre webinar des plus passionants, mais elle a listé les destinations des bateaux emmenant des Malgaches et nous pouvons donc retrouver certainement des descendants en Alabama, Antigua, Argentina, Aruba, Australia, Barbados, Bermuda, Brazil, Canada, Colombia, Comoros Islands, Cuba, Curacao, Dominican Republic, England, Ethiopia, Florida, France, Georgia, Guyana, Haiti, Iran, India, Indonesia, Iraq Jamaica, Kentucky, Kenya,  Louisiana, Madagascar, Malawi, Malaysia, Mauritius, Maryland, Mexico, Mississippi,  Mozambique, Netherlands, New Jersey, New York, North Carolina, Ohio, Oman, Peru, Philippines, Puerto Rico, Reunion, St. Croix, St. Eustatius, St. Helena’s Island, Saudi Arabia, Seychelles, Spain, South Africa, South Carolina, Somalia, Sri Lanka, Tanzania, Texas, United States, Virginia, Washington, DC, Zambia, and Zimbabwe

La famille des descendants malgaches est donc très grande et très dispersée et elle présente quelques personnalités très connues aux États-Unis. Ces dernières partagent les mêmes lignes généalogiques que nous pouvons remonter à la Plantation Shirley de Robert King Carter et exploité plus d’un milliers d’esclaves dont des malgaches.

Nous clôturons cette 1ère présentation par une très belle synthèse de Teresa : 

  • L’ADN n’est PAS une culture, bien que la parenté d’affinité existe
  • Une seule lignée familiale est tracée – maternelle ou paternelle
  • Les haplogroupes remontent à des dizaines de milliers d’années ! Ils en disent plus sur les populations que sur les individus. Les histoires/récits individuels proviennent de recherches généalogiques !
  • Les correspondances d’ADNmt à séquence complète remontent à 5 générations – Parfait pour les personnes dont les ancêtres sont arrivés aux États-Unis vers le milieu des années 1800 ou plus tard. Ne s’applique pas à ceux d’entre nous dont les ancêtres sont arrivés entre le milieu des années 1600 et le début des années 1700
  • Les haplogroupes d’ADNmt et d’ADN-Y se trouvent également en dehors de Madagascar, il faut donc être en mesure d’identifier positivement l’ascendance malgache
  • Les correspondances ADN autosomiques proviennent des DEUX côtés de votre famille. Les arbres généalogiques doivent être entièrement étoffés afin d’établir des liens. Les populations de référence sont limitées !
  • 30 % des personnes ne partagent pas leur ADN avec leurs cousins ​​4X, ce qui signifie qu’il sera difficile de trouver une connexion génétique

Je tiens à exprimer une nouvelle fois ma gratitude envers Teresa pour sa générosité et le temps qu’elle a pris pour partager tout cela. Je m’efforcerai de rassembler vos nombreuses questions et de les lui transmettre. J’aimerais également vous faire part de mon souhait d’organiser des webinaires sur des sujets liés à la traite humaine dans l’Océan Indien, ainsi que dans le contexte du passé de la traite transatlantique, mais aussi sur sa persistance dans notre pays de nos jours. Je sens que nous, Malgaches, avons beaucoup à gagner en affrontant notre passé esclavagiste. Donc, si dans nos contrées, nous nous préoccupons encore de revenir à nos racines et de nous y enraciner, je réalise que naturellement, les communautés qui ont été exilées de force pendant nos 4 siècles de traite des esclaves aimeraient aussi, d’une certaine manière, savoir d’où leurs ancêtres ont été arrachés. Cependant, je ne pense pas pouvoir mener cette démarche seule. C’est pourquoi, j’invite mes amis, mes lecteurs, des citoyens ordinaires de bonne foi, comme moi, à se joindre à moi dans cette initiative, si vous ressentez également la nécessité d’éclairer les zones d’ombre de notre si belle civilisation. Et franchement, c’est tellement évident, mais il faut le mentionner tout le temps, donc sincèrement, si vous reconnaissez que les erreurs du passé ne sont pas celles de notre génération.

Je vous garantie d’ailleurs que cela sera certainement un chemin du combattant mais c’est à nous maintenant aujourd’hui de nous engager à mieux écrire notre Histoire.

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