Pour passer l’EXAC, l’Examen de l’Ordre des Architectes du Québec, nous devions comprendre le “Means”. En ce moment, je suis sur un projet où ce genre de document serait fondamental pour la poursuite des travaux. Et rien que hier soir, 2 connaissances s’échangeaient les informations sur les coûts de matériaux comme si ces données représentaient le Graal, vue leur rareté. Quel dommage ! Ces derniers jours, je passais plusieurs appels d’offres et avant-projets où les clients me demandaient perpétuellement si les coûts étaient à jour, normaux, acceptables. Je les rassurais, mais la vérité : j’en sais trop rien.

Notre formule au bureau est simple. On lance des appels d’offres plusieurs fois dans l’année et on met nos bases de prix référentiels à jour. C’est juste pénible quand le projet se retrouve dans un milieu où l’inflation explose de par sa localisation et la rareté des ressources. On a traversé de vrais cyclones dans le sens littéral quand il s’agissait de vraiment identifier les coûts de projet. Et ici, je parle de coûts en pose et fourniture, pas le coût de “mon cousin fournira les clous et ma sœur plantera les carreaux”. On parlera de règles de l’art quand poules auront des dents. Bref vous voyez le topo.

La nomenclature des prix “Means” a été développée aux États-Unis par la société Means Company, fondée en 1933 par Robert D. Means. Ce système a été conçu pour fournir des informations fiables et standardisées sur les coûts de construction, afin d’aider les professionnels à estimer les coûts des projets avec précision. Au fil des ans, le système s’est étoffé pour inclure une large gamme de matériaux, de méthodes de construction et de coûts associés. Les données utilisées proviennent d’études de marché et d’analyses détaillées des prix des matériaux et de la main-d’œuvre, permettant ainsi aux architectes et aux entrepreneurs de réaliser des estimations plus réalistes et détaillées.

La nomenclature des prix “Means” est un système utilisé pour standardiser et classer les coûts dans la construction et d’autres projets d’ingénierie. Les coûts dans ce système sont classés de manière hiérarchique, permettant une identification précise et une estimation efficace. Voici comment cela fonctionne :

– Catégories de coûts : Les coûts sont d’abord répartis en grandes catégories, telles que la main-d’œuvre, les matériaux, les équipements et les frais généraux. Chaque catégorie couvre différents aspects des dépenses dans un projet de construction.

– Sous-catégories : Chaque grande catégorie est ensuite subdivisée en sous-catégories plus spécifiques. Par exemple, la catégorie des matériaux peut être divisée en sous-catégories comme les matériaux de fondation, les matériaux de toiture et les finitions intérieures. Cela permet de détailler les coûts selon les besoins spécifiques d’un projet.

– Unités de mesure : Les coûts sont également classés selon des unités de mesure standard, telles que le coût par mètre carré, par heure de travail ou par unité de matériau (par exemple, le coût par panneau de placoplâtre). Cette normalisation facilite la comparaison des coûts entre différents projets et types de travaux.

– Estimation basée sur des données historiques : Les prix dans le système “Means” sont calculés à partir de données historiques, recueillies à partir de projets précédents, d’études de marché et d’analyses de coûts détaillées. Ces informations sont mises à jour régulièrement pour refléter les tendances actuelles du marché.

En France, par exemple, des organismes comme le Centre Technique du Bâtiment (CTB) ont développé des normes de prix basées sur des études de marché et des analyses de coûts, garantissant ainsi la transparence et la cohérence des estimations.

Au Ghana, le Ghana Institute of Surveyors a mis en place une nomenclature des prix en 1998, visant à améliorer la transparence et la prévisibilité dans le secteur de la construction. Avant cette mise en place, le pays faisait face à des fluctuations importantes des coûts, rendant difficile la planification des budgets. Par exemple, en 2017, le secteur de la construction avait une part de 4,2 % du PIB, mais cette part a augmenté à 7,2 % entre 2013 et 2021 (https://www.trade.gov/country-commercial-guides/ghana-construction-and-infrastructure-industry). Depuis, le Ghana a construit environ 35 000 à 40 000 unités de logement par an, contribuant à réduire le déficit de logement depuis 1,7 million en 2017 (https://oxfordbusinessgroup.com/reports/ghana/2024-report/construction-real-estate-chapter/). Ça me fait marrer d’écrire ça car j’ai perdu un poste y’a 4 ans car après 6 mois à galérer sa race à comprendre les mécanismes de la situation du logement bah on m’a expliquée que non en fin de compte je ne savais ce que je ne savais pas. Va savoir…

Au Kenya, la National Construction Authority (NCA) a mis en place des lignes directrices pour la gestion des coûts, permettant aux entrepreneurs et aux consultants d’estimer les coûts de manière standardisée. De même, au Nigeria, le Nigerian Institute of Quantity Surveyors (NIQS) joue un rôle central dans l’établissement de normes de prix et de méthodes d’estimation, fournissant des manuels et des guides pour différents types de travaux. Ces exemples montrent comment des systèmes bien établis peuvent améliorer la transparence et l’efficacité dans le secteur de la construction.

À Madagascar, le coût de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction est en moyenne compris entre 3 000 et 5 000 MGA (environ 0,75 à 1,25 USD) de l’heure, selon la région et le type de travail. Cette fourchette est la même depuis mes 12 ans au pays. Je n’y comprends rien. Les importations de matériaux de construction, comme le ciment et l’acier, atteignent des montants significatifs, avec par exemple 163,9 millions USD pour le ciment en 2023​ (https://www.worldstopexports.com/madagascars-top-10-imports/). Cependant, les fluctuations constantes des coûts rendent la gestion budgétaire complexe et souvent imprévisible. Par exemple, le prix du placoplâtre est passé de 55 000 MGA en 2020 à 65 000 MGA en 2024. C’est ici qu’une nomenclature des prix actualisée peut jouer un rôle important en standardisant les coûts des matériaux et de la main-d’œuvre. En consolidant ces informations, nous pouvons favoriser une culture de l’efficacité et de la responsabilité dans nos pratiques professionnelles.

Un exemple à citer est la brique de terre crue locale, pour laquelle la régulation des prix est particulièrement complexe. Rakotoseheno Rado je t’explique : atuellement, il n’existe pas de normes officielles pour la production de cette brique, ce qui signifie que chaque fournisseur peut inventer sa propre version. Cette absence de réglementation entraîne des disparités de qualité et de prix, rendant difficile l’établissement d’une tarification équitable. Les prix peuvent varier considérablement d’un fournisseur à l’autre, ce qui complique davantage la gestion budgétaire pour les projets qui s’appuient sur ce matériau. Il est essentiel de développer des standards pour la brique de terre crue afin d’assurer une qualité uniforme et d’aider à stabiliser les prix sur le marché.

L’inflation des prix après des catastrophes naturelles, telles que les cyclones, est un autre facteur à prendre en compte. Madagascar a connu des hausses significatives des coûts dans le secteur de la construction (qui compose 9% de son économie) après des événements climatiques extrêmes. Par exemple, après le cyclone Haruna en 2014, les prix des matériaux de construction ont augmenté de 20 % dans certaines régions, affectant les projets en cours. En 2018, à la suite de divers événements climatiques, les cimenteries ont enregistré une hausse des prix de 15 %, ce qui a mis une pression supplémentaire sur les budgets. Plus récemment, en 2021, après le passage du cyclone Batsirai, les prix des matériaux tels que le ciment et l’acier ont grimpé d’environ 25 %, exacerbant la crise économique dans le secteur de la construction​ (https://www.worldstopexports.com/madagascars-top-10-imports/). Ces augmentations soulignent l’importance d’une nomenclature des prix qui s’ajuste aux fluctuations du marché, permettant une meilleure gestion des coûts dans le contexte malgache.

Pour initier une nomenclature des prix efficace, un groupe de travail doit être formé de professionnels du secteur de la construction, tels que des architectes, des ingénieurs et des représentants d’organismes gouvernementaux. Ce groupe devrait entreprendre une étude approfondie des coûts actuels des matériaux et des services, en s’appuyant sur des données locales et des enquêtes de marché. De plus, il est important d’impliquer des organismes de réglementation et des associations professionnelles pour garantir la validité et la mise en œuvre des normes. En parallèle, des formations devraient être organisées pour sensibiliser les acteurs du secteur à l’importance de cette nomenclature et aux méthodes d’estimation des coûts. un trabail de très longue haleine qui demande de l’intégrité et beaucoup d’expertise.

Réfléchir et agir collectivement pour mettre en place une nomenclature des prix efficace et adaptée aux besoins du marché malgache sont une priorité pour tout professionnel et entité avec la volonté de travailler dans la transparence. Des exemples réussis dans d’autres pays africains, comme le Ghana, où une structure de prix bien établie a permis d’améliorer la transparence et la prévisibilité dans le secteur de la construction, montrent que cela est non seulement possible, mais assurément bénéfique.

Photo : il y a exactement 1 an comme ceci, on bouclait notre plus grand chantier jamais construit. Soit +1200 m2 à +200 km de Tana avec un usage maximal de la brique de terre crue sur un chantier où le HSE est imposé comme une religion. Fa tafa foana TRANO Architecture e !!

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