La poésie de l’eau, ancrée dans les croyances malgaches, se mêle harmonieusement à l’urbanisme des premières communautés qui se sont rassemblées en foko pour entretenir les canaux, planter du riz, partager la nourriture et s’épanouir ensemble. Bien souvent, voire tout le temps, nous oublions que toute cette diversité demeure en ville pour contribuer à son développement. Malgré les discours alarmistes sur les risques d’implosion sociale, je ne vois que d’innombrables tentatives, parfois chaotiques, visant à enrichir et à diversifier la ville. Même lorsqu’il semble qu’elle perde son âme ou sa forme, la cité malgache se renouvelle sans cesse. Il appartient à chacun de nous de redonner vie à ses coins précieux, quel que soit le nom que vous leur donnez, afin de lui rendre sa raison d’être..

L’écart entre la ville dite indigène et la ville coloniale est indéniablement immense, que ce soit en termes de structure physique ou de disparités sociales. Même si l’influence des établissements vernaculaires pré-coloniaux est moins prononcée dans les villes de province que dans la capitale, elle persiste dans les pratiques locales. Lors de ma récente visite à Andoany, ou Hell-Ville, j’ai été profondément marquée par la richesse historique et le désir de préserver le patrimoine paysager, symbolisés par l’abondance d’arbres et la diversité culturelle marquée par de nombreuses traditions. L’arbre sacré de Mahatsinjo, que l’on découvre après avoir traversé la cité SEIMAD, incarne cette essence malgache. Je tiens à souligner que la région du DIANA demeure le berceau de l’urbanisme malgache, avec des villes telles que Vohémar, la vénérable, et la mystérieuse Mahilaka, située juste en face de Nosy-Be. C’est de cette authenticité que je puise mon inspiration pour mes projets dans les quartiers souvent stigmatisés comme étant “défavorisés” à Antananarivo. Malgré leur négligence fréquente, ces lieux regorgent de richesses, demeurent largement méconnus et sous-estimés.

Il y a quelques semaines, j’ai évoqué mon inquiétude (ou plutôt panique profonde!) par rapport à un de nos projets situés dans un de ces quartiers inondables du Betsimitatatra en raison de sa taille, de son agencement et de son emplacement et de ses enjeux. Après des années d’incertitude sur les questions d’aménagement urbain et de tentatives pour comprendre les complexités de la planification urbaine à Madagascar, je dois admettre que je ne croyais pas vraiment en ma contribution à ce domaine. Mes débuts de carrière comprenaient des stages au début des années 2000 dans les quartiers les plus défavorisés d’Antananarivo, ainsi que des heures passées à analyser les Plans d’Urbanisme Directeur intégrés (PUDi) et le pré-Zonage de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain (ZPPAUP). Je note d’ailleurs qu’on n’ait pas sorti grand chose de cette ampleur pour protéger les wetlands comme je ne sais pas…les intégrer dans le registre RAMSAR tiens ! Cependant, mon virage à 180 degrés vers l’architecture ne m’a pas donnée la confiance ni la légitimité nécessaires pour m’impliquer dans les problématiques urbaines.

Finalement, j’ai pris conscience de l’importance de mon travail dans le quartier où je prévoyais de réaliser mon projet lors d’un après-midi, il y a quelques jours, alors que j’attendais le début d’une réunion de l’autre côté de la ville à Andavamamba. Distraitement (ou pour être honnête, en décryptant les rapports très complexes de mes collègues experts en gouvernance, sauvegarde et planification urbaine), je parcourais en même temps le menu des ramens du restaurant Japs d’Anosipatrana sur Facebook. Pendant ce temps, j’écoutais les discussions animées des jeunes mamans, certaines étant probablement venues pour s’inscrire au DELF, tandis que d’autres profitaient simplement de la fraîcheur du jardin sous les arbres de la magnifique cour de l’AFT Andavamamba. Cette cour se trouvait à quelques pas de nos terres familiales à Ambilanibe, riches en histoire, et en décennies de quittances d’impôts fonciers (un arbre généalogique à l’appui)…comme le saumon qui remonte à la source, me revoilà au loharano.

Même si ce projet futur ne se concrétisait pas et restait à l’étape de l’esquisse, du permis et de la faisabilité financière, je souhaite m’engager dans l’exercice de l’inclusivité architecturale, en offrant une place à tous au sein d’un investissement privé. J’admets avoir tenté cette approche dans d’autres quartiers, tous confrontés à des problèmes d’inondation, et à chaque fois, j’ai obtenu le soutien du Maître d’ouvrage pour intégrer un design spécifique propre à la basse ville (construit sur pilotis avec des matériaux durables, bien que de durée de vie limitée, pour permettre l’accessibilité et la traversée du site, servant de passage entre les quartiers).Le compromis majeur a été la réduction de la surface dédiée aux espaces verts et aux zones aquatiques, qui a atteint plus de 40 % de réduction. Vous pouvez imaginer la réaction du département en charge du calcul du retour sur investissement pour une structure aussi coûteuse, où malgré le remblai, la rentabilité foncière demeure élevée. C’est là que se situe la question éthique : comment concilier la rentabilité financière, les avantages pour l’humain et l’intégrité architecturale lorsque tous les signaux concernant les risques environnementaux et hydrauliques sont au rouge ?

J’ai toujours soupçonné que le rôle du Sachant dans la résolution urbaine des villes malgaches ne se limite pas produire rapport, chiffre, croquis mais aussi de conseiller, prévenir, alerter, corriger et surtout éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer, éduquer et éduquer.

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