Il y a quelques mois cette photo datant de 1969 prise à Ejeda des archives de l’ELCA Evangelical Lutheran Church in America intitulée “Oxcart moving house” par Stan and Kathie Quanbeck
http://www.elca.org/archives avait attiré mon attention sans que je puisse vraiment en savoir plus sur sa fonctionnalité et le matériau de construction. et puis j’ai repris les cours à enseigner, les chantiers sans vraiment avoir pris le temps de m’y attarder.
Nous avons passé beaucoup de temps ces dernières années à pousser à l’utilisation du matériau en terre crue. La normalisation menant son bonhomme de chemin à la vitesse que prendra ces manoeuvres dans un pays où les textes prennent un peu plus de temps que le séchage du béton, je suis tombée sur un autre challenge dans la construction de la charpente de la toiture : quel matériau utiliser? Pourquoi pas le Fantsiolotse ?
Partie 1
Dans un pays comme Madagascar, en pleine précarité, les communautés menacent la totalité des boisés en surexploitant pour le bois de chauffe et de charpente soit “une utilisation inconsciente des ressources” selon un rapport d’un groupe de recherches l’Université Durham de 1999. Il est important de noter les efforts récents en matière de reforestation ou de replantation ou de reboisement qui tentent de compenser le gap dont ceux dans le Grand Sud avec les campagnes autour du Fantsiolotse.
Ce qui passionne ici dans le matériau, idoine pour la construction, qu’est le Fantiolotse serait son importance en termes culturel et spirituel comme dans l’exemple de la forêt sacrée d’Ankodida devenue parmi les premières a être gérée et protégée par les communautés en COGE. Ankodida est en plus composée de Fantiolotse sous la protection du Kokolampo, “revered spirits or genies that live in particularly dense or diverse areas of the forest, in caves or in water sources. Kokolampo often intervene in human affairs and are highly feared by local people, with the result that some refuse to enter the forests they inhabit, while others use the forest only for grazing.” (Gardner, Berguson, Rebara, Ratsifandrihamanana, 2008).
Si le matériau est couramment employé dans la totalité des éléments de la construction, soit bardage, charpente, revêtement de toiture, il serait intéressant de replonger un peu dans les principes architecturales de l’habitat de la région afin de mettre en lumière encore le symbolisme du bois dans la spiritualité de l’habitat Tandroy. Aussi Decary nous offre dans “L’Habitation chez quelques tribus malgaches” des explications (à mettre à jour car datées de 1957) sur l’anthropologie de la construction et de l’occupation de ces espaces. Même si la base reste rectangulaire, du poteau central, les 4 joro et les ouvertures demeurent dans l’esprit traditionnelle de la cosmogonie malgache, ouverture à l’Ouest, on reconnaît certaines spécificités soient déjà les cases sont extrêmement étroites, petites et rudimentaires avec des portées maximales de 2 à 3 m.
Mais le terme qui m’a le plus marquée, mutatis mutandis, fait référence au pragmatisme de ses occupants. Le matériau sert à clôturer le “Zolika”, l’espace privé d la vadibé, autant qu’il “bâtit” la case simple “Soke Mitraha” de la femme sans mari. Si l’enveloppe peut être en bardage de bois, les ressources manquantes, le torchis de terre, élément propice à l’isolation thermique mais d’apparence “pauvre” l’a remplacé le rendant grotesque. Mais le bois de Fantiolotse demeure le matériau de base pour les cases de transhumance de ce peuple nomade, le Kialo. Cette case transportée sur un chariot tiré par de très majesteux zébus est donc un Kialo.
Que dire de plus sur la résilience et les principes sophistiquées de ce mode de construction? Que l’imbrication des planches composent une réelle poésie de technicité rationnelle maîtrisée par le génie vernaculaire de ces charpentiers-nés. Que la composition du pignon tout en respectant la fonctionnalité de la toiture n’a rien à envier au travail des Zafimaniry en termes d’ornementation. Qu’en exploitant le système des kialo qu’on pourrait en arriver à développer un habitat préfabriqué accepté par les populations car provenant de leur culture. Que le Vahoisanda lierait les planches de Fantiolotse sans complexité comme la Nature les a mis à la disposition des populations pour d’autres besoins nutritifs et médicaux.
Qu’au final la sustainability of livelihoods dans ces régions ne dépendrait pas juste d’une meilleure stabilité des écosystèmes politiques et économiques mais surtout d’une vision holistique des interdépendances entre culture, tradition et la confiance dans les usages et techniques ancestrales.
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Références :
Integrating traditional values and management regimes into Madagascar’s expanded protected area system: the case of Ankodida, Charlie J. Gardner, Barry Ferguson, Flavien Rebara and Anitry N. Ratsifandrihamanana
publication for Values of Protected Landscapes and Seascapes: Protected Landscapes and Cultural and Spiritual Values. Protected Landscapes Task Force of IUCN’s World Comission on Protected Areas.
https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/2008-055.pdf
Ankodida community, the forest keepers
https://wwf.panda.org/wwf_news/?358913/Les-communautes-locales—gardiens-de-la-foret
Élisabeth Rossé, Tours et détours du Kokolampo Tandroy
https://doi.org/10.4000/oceanindien.1848
https://journals.openedition.org/oceanindien/1848
Bidou J-E, Droy I. « Décrire la construction temporelle des vulnérabilités: observatoires ruraux et analyse historique des moyens d’existence dans le sud malgache» in Risques et environnement: recherches interdisciplinaires sur la vulnérabilité des sociétés, Peltier A., Beccera S., l’Harmattan, pp.155-170, 2009.
Raymon Decary “Habitation chez quelques tribus malgaches”, MEMOIRES DE L’INSTITUT SCIENTIFIQUE DE MADAGASCAR, 1957
Photos from an Ombiasy Case from Haleemah Jackson “Traditional Healing in Madagascar: A Study of a Tandroy Ombiasa and his methods of healing”