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Les Malgaches demeurent largement méconnaissants de l’existence des Austronésiens (1), une civilisation à laquelle nous sommes partiellement liés. Cette civilisation exceptionnelle a réussi à étendre son influence sur deux océans, de l’est de l’Afrique jusqu’à la côte ouest de l’Amérique du Sud. Malheureusement, les livres d’histoire ne consacrent que quelques courts paragraphes aux îles de l’océan Indien occidental, ce qui limite considérablement notre compréhension de nos origines, à l’exception d’une formule simpliste évoquant le “métissage bantou + austronésien, langue May (2)”. De plus, nos ouvrages abordent à peine la route maritime de la soie, ne la mentionnant que dans le contexte des voyages des Portugais qui se sont égarés sur nos côtes. Malgré l’inscription de notre héritage austronésien dans notre ADN (3) et notre langue (4), la période arabe et l’expansion de l’islam ont largement effacé les traces de ce passé fascinant.

Le chapitre sur la protohistoire de Madagascar pourrait débuter ainsi :

“Contre leur gré, ces femmes furent emmenées par les marchands lors de leurs voyages et furent débarquées dans le nouveau comptoir déjà connu à l’époque de Ptolémée, sur l’île. Ce comptoir avait été établi dans le but de fournir des provisions aux navires qui assuraient les échanges commerciaux facilités par les moussons, entre le prestigieux Empire Śrīwijaya et les richesses de l’Afrique australe.” (5)

Les dirigeants bouddhistes de Śrīwijaya Maritime (6), établis sur l’île de Sumatra, avaient l’habitude d’entretenir des relations avec les Tang de Chine et les Ummayad d’Arabie, ce qui leur conférait une suprématie qui a duré plus de cinq siècles. En prenant le contrôle du détroit de Malacca, le passage entre l’océan Indien et la mer de Chine, ils ont pu exercer un contrôle facile tout en exerçant une influence considérable sur la région.

Dans la région de Kalimantan au sud de Bornéo, se trouve la tribu des Banjar, qui sont principalement des chasseurs-cueilleurs. Encore aujourd’hui, on y parle des dialectes qui présentent des similitudes avec la langue malgache (7). Une variante du dialecte South East Barito a été identifiée très tôt par les linguistes spécialisés dans le malgache, mais elle s’est progressivement confondue avec les langues environnantes après le départ de la communauté qui la parlait. Cette langue, reconnue comme étant de la racine de l’ancien malais (Old Malay), a même été attestée par une inscription trouvée sur une stèle de l’île de Bangka (8).

Effectivement, il est possible de comparer d’autres similitudes entre nos communautés, notamment dans le domaine de l’architecture.

Le Rumah Banjar ou Bubungan Tinggi (9) est à l’origine du Trano Kotona en termes de matérialité et de toiture en pente, et il est en quelque sorte une empreinte de la case Besakana en ce qui concerne sa dimension politique (10). Il faudra un peu de temps pour décrire techniquement et précisément cette architecture vernaculaire (qui d’ailleurs est bien préservée chez eux). D’emblée, nous pouvons observer l’utilisation omniprésente du bois, même dans l’assemblage des éléments structuraux (11), ainsi qu’un décompte précis des piliers pour l’enveloppe (8 dans le cas du Rumah Banjar). De plus, la spiritualité occupe une place importante dans la distribution des espaces intérieurs. Malheureusement, en raison du manque de publications dans ce domaine, je ne peux pas fournir plus de détails pour le moment.

Paysage urbain de Antananarivo mi-19è siècle

L’Empire Śrīwijaya était un haut lieu de pèlerinages et un centre d’apprentissage bouddhiste influent, et il a légué ce que l’on appelle “le Temple du Langage” (12). Il s’agit d’un corpus culturel et spirituel reconnu par les plus éminents théologiens bouddhistes, mais il convient également de souligner sa grande tolérance envers les pratiques animistes de la région. Le Kaharingan (13), pratiqué par les Ma’anyan Dayak, et très probablement par les Barito (comme vous l’avez suivi, ce sont nos ancêtres du côté matrilinéaire), présente des similitudes frappantes avec les croyances malgaches, bien que je ne m’aventure pas davantage faute de références. Cela confirme surtout que notre civilisation s’est construite sur un syncrétisme déjà bien ancré et toléré entre les religions basées sur le sanskrit et les croyances indigènes. Nous aborderons dans un chapitre ultérieur le mélange avec la culture bantoue. Mais revenons au Kaharingan, qui pratique… devinez quoi ? Eh bien, un rituel de retournement des morts appelé le Tiwah (15).

Références (que j’ai lues intensément et avec l’esprit critique)
(1) The Austronesians: Historical and Comparative Perspectives , Peter Bellwood, James J. Fox, Darrell Tryon (2006)
(2) Les langues austronésiennes et la place du malagasy dans leur ensemble K.A. Adelaar (1989)
(3) Evidence of Austronesian Genetic Lineages in East Africa and South Arabia: Complex Dispersal from Madagascar and Southeast Asia, Nicolas Brucato, Veronica Fernandes, Pradiptajati Kusuma, Viktor Cerny, Connie J. Mulligan, Pedro Soares, Teresa Rito, Celine Besse, Anne Boland, Jean-Francois Deleuze, Murray P. Cox, Herawati Sudoyo, Mark Stoneking, Luisa Pereira and Franc ̧ois-Xavier Ricaut, (2019)
(4) Who were the first Malagasy, and what did they speak? A.Adelaar (2017)
(5)The global origins and development of seafaring Chapter 19 Evidence for the Austronesian Voyages in the Indian Ocean, Roger Blench (2010)
(6) Les mondes de l’Océan Indien, Ph. Beaujard (2012)
(7) La subdivision de la famille barito et la place du malgache, O. Dahl (1977)
( 8 ) Migration austronésienne et mise en place de la civilisation malgache. Lectures croisées : linguistique, archéologie, génétique, anthropologie culturelle, Claude Allibert (2007)
(9) https://en.wikipedia.org/wiki/Banjarese_architecture
(10) BSK : Mieux Lire le Besakana, Chronique de Vanf (2019)
(11)
(12) Early Indonesian Commerce: A Study of the Origins of Srivijaya, O. Wolters (1967)
(13) Borneo Tribe Practices Its Own Kind of “Hinduism””, Belford, Aubrey (2011)
(14) En effet, il est très intrigant de constater que dans un territoire où les tribus ne s’identifiaient pas comme un seul peuple et ne portaient pas le même nom, elles partageaient la même langue, pratiquaient les mêmes traditions et croyaient aux mêmes religions. Cependant, je laisserai ce débat ouvert à toute personne disposant de références et faisant preuve d’une bonne foi dans son analyse.
(15) Rituel du Tiwah https://web.archive.org/web/20120723025229/http://www.gunungmaskab.go.id/pariwisata/wisata-budaya/tiwah-2.html

Photo :

UNREACHED PEOPLE GROUP – THE BANJAR

https://www.asialink.org/latest-news/55/unreached-people-group-the-banjar

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Summary

Intro https://purplecorner.com/syncretism/

Part 1 https://purplecorner.com/protohistoire-de-madagascar-nos-origines-banjar-sous-lempire-sriwijaya/

Part 2 https://purplecorner.com/histoire-de-madagascar-nos-origines-bantou-durant-lere-sriwijaya/

Part 3 https://purplecorner.com/histoire-de-madagascar-le-destin-de-la-civilisation-laissee-par-sriwijaya/

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